Vacuum

Whas it a vision, or a waking dream ?
Fled is that music: - do I wake or sleep ?

John KEATS ( Ode to a Nightingale )

ANGE, bel ange, tombé par terre... C'est la faute à Dürer ?... Et Edgar Allan Poe devra-t-il pour autant rimer avec ruisseau ? Oh ! bien sûr, l'Ange du Bizarre n'est jamais loin quand plane aussi dans le secteur celui de la Mélancolie... mais l'art, toujours un peu futile, peut-il alors encore être le bon remède ?...
 
Vide, tellement vide, avec ce cœur myope qui restreint chaque jour un peu plus son paysage sensible. L'anneau des jours prêt à se rompre...
 
Où que tu sois il te faut passer un col dont l'au-delà te semble de plus en plus souhaitable...
 
Lourd, si lourd... Sombre, si sombre... Plus tellement le cœur à rire... (Encore que ces ailes... albatros ou corbeau ? malin ou séraphin ? au moins sourire pour rester humain.)
 
Beaucoup trop humain d'ailleurs...
 
Te voilà le centre d'un cercle sans circonférence, sans consistance, sans espoir d'existence additionnelle, inutile, tellement inutile... Vide et superflu....
 
To dream... Perchance ...

Mais quoi ! l'ombre de l'olivier ne s'est pas faite plus pesante... ni la tourterelle plus craintive. Le pas du paysan est égal sur le chemin. Et les simples qui sèchent au soleil parfument tout autant l'air du soir...
 
Pourquoi ce raidissement, cette diffuse anxiété ?
 
Peut-être ce silence. Cet instant de silence. Jusqu'alors ignoré. Et soudain remarqué... Comme un trou béant dans le tissu vivant de ce voile sonore. Un trou au bord duquel on semble être perché, comme un drôle d'échassier.
 
Déchirure... désamour... Rupture. Avec soi-même.
Singulier dédoublement... et les dommages sont irréparables.
Bien sûr, l'intrus s'éclipse. Et fort discrètement. Comme d'un léger battement d'ailes, justement...
 
To slip into sleep...

Quand passe l'instant fragile tout semble vibrer, tout semble trembler et bruire.
 
Tristes Héliades !
À l'ombre froide des peupliers,
tout cœur peut se serrer, se déchirer, se perdre et se ruiner.
 
Pauvre irrésolu, c'est la plume de Maât, jetée dans la balance, qui fait vaciller ton cœur ! Mais il est de si peu de poids !...
 
( Vulnerant omnes... )
 
Indicible vague à l'âme.
Ô spleen déraisonnable.
Tu ne meurs que de vivre !
 
( ...ultima necat )
 
Pourquoi craindre ? Ô ce comportement de coupable...
 
Hélas ! pauvre Yorick !...
 
Rien qui puisse servir de prise en cette galerie, rien. Comme Alice tu glisses, tu glisses... En cet ailleurs tu t'introduis. Chaque jour un peu plus étranger. Chaque jour un peu plus exote. Toujours plus froid.
 
Avec – instinctivement – cette hautaine indifférence...
 
Perchance to slip away !

Tu as pourtant toujours attendu l'aube. Seuls les monstres... Mais toi, toi tu es vivant ! Tu ne peux t'y dissoudre. Ton ombre dense ... t'ancre. Il y a toujours eu un refuge au terme du voyage... Garde un œil vigilant pour traverser la brume, arriver à bon port. Voici enfin l'asile sûr qui devait t'accueillir...
 
Ah ! Ce curieux défilé ! Ces compagnons bizarres... et ces ricanements... Où est ta place en cette pantomime ? Ces héros alternés qui semblent t'inviter sont ta dernière barricade. Révolution accomplie.
 
Mais regarde... ils dansent ! Ecoute ! Ce sont de vrais chants qui s'élèvent. Pas des hymnes. Pas des antiennes. D'ordinaires chansons païennes. Ritournelles rédemptrices. Blues for a sinner.
 
Ultime stratagème !
 
Yorick reste Yorick. Sa dernière facétie n'a fait rire aucun prince....
 
Une tromperie de plus. Un rideau de théâtre. Qui cache un autre rideau. Sans fin. Sans fin...
 
Allons, ressaisis-toi, il y a encore moyen d'attendre... D'amortir la chute. Allons, la rencontre n'a pas eu lieu. Tu n'as suivi personne. Il ne s'est rien passé...
 
Juste une illusion...
Juste un battement d'ailes...
Juste l'écho d'un bruissement...
 
Presque imperceptible...
Presque imperceptible... mais tellement rémanent...

Denys EISSART

addenda > Autour de "Vacuum"...

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